Page:Sand - Malgretout.djvu/255

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suis habituée ; mais si elle souffrait beaucoup elle-même ?

— J’entends, vous me sacrifieriez, et vous croyez que ce serait le moyen de me rendre épris d’elle ?

— Qui sait ? avec le temps ! Un homme résiste-t-il à une passion vraie quand la femme est jeune et charmante ?

Le cocher qui nous conduisait s’arrêta. Abel passa la tête dehors et lui dit quelques mots que je n’entendis pas. Il repartit aussitôt.

— J’avais cru, lui dis-je, que nous arrivions à Givet ?

— Nous n’y serons pas, me répondit-il, avant deux heures.

Je ne m’inquiétai pas du chemin que nous suivions, et que la nuit ne m’eût pas permis de reconnaître ; mais le silence où Abel était tombé m’alarma, et je lui demandai s’il n’avait rien à répondre à mes anxiétés.

— Vos anxiétés, reprit-il, ne sont pas les miennes. Vous pensez à votre sœur ; moi, je pense à vous, Sarah ! Vous ne m’aimez donc pas, que vous admettez la pensée de m’en voir aimer une autre ? Voyons, que feriez-vous si j’étais assez lâche pour épouser votre sœur au lieu de vous ?

— Rien !

— Comment ! rien ?