Page:Sand - Malgretout.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Et vous croyez que, si ma sœur veut empêcher ce mariage, elle ne suivra pas mon père auprès de nous ?

— Partons pour l’Angleterre. Votre fuite aura fait quelque bruit, vous serez compromise, comme vous dites ! Tout le monde comprendra qu’ayant un trésor à garder, je n’aie pas voulu me le laisser voler.

— Ainsi vous voulez m’exposer aux railleries du pays, au mépris de ma sœur, et vous croyez que mon père, qui ne demande qu’à nous unir, ne blâmera pas cet acte de démence ? Vous croyez qu’il n’aura pas un profond chagrin de me voir mariée au prix d’un scandale ? Vous pensez que je serai une bien bonne gardienne de ma petite Sarah aux yeux de ma sœur irritée, quand je voudrai redevenir sa mère adoptive ? Est-ce là ce que vous m’aviez promis, Abel ? est-ce là ce bonheur de famille que vous vouliez respecter à tout prix ? est-ce la protection que je devais au moins attendre de vous dans ma lutte avec le monde ? Déjà, sans y songer, sans le vouloir, vous m’avez pris mon honneur.

— Moi ! s’écria-t-il, moi !

— Oui, vous ! quand vous êtes venu, au milieu d’un concert, me surprendre à Nouzon, vous m’avez livrée à la merci de mademoiselle d’Ortosa ; elle nous a vus, elle nous a épiés, elle connaît mon secret et Dieu sait quel usage elle veut en faire !

— Ah ! si j’avais su cela ! reprit Abel avec feu ; que ne l’ai-je su plus tôt ! j’aurais parlé à votre