Page:Sand - Malgretout.djvu/282

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conter. Abel ne ment pas non plus, lui, parce qu’il est intelligent. Sa folie est le résultat de ses passions, le cœur est sérieux. Il vous aime. Vous l’interrogerez : s’il trouve dans le récit que je vais vous faire un mot qui ne soit pas exact, ne m’estimez plus. Je sais qu’il est décidé à vous faire sa confession pleine et entière, si vous l’exigez.

Je me levai éperdue ; il m’était odieux de subir la tyrannie de cet examen de mon âme par une personne dont le caractère m’épouvantait. Je ne trouvais plus rien à lui dire, je voulais me soustraire à son regard tranchant comme un scalpel ; elle me retint.

— Ayez, me dit-elle avec calme, le courage de votre situation. Ce n’est pas moi qui l’ai faite ; moi seule peux vous en faire tirer le meilleur parti possible.

» Quand je rencontrai Abel à Nice, il y a un mois, reprit-elle, je ne m’intéressais point à vous particulièrement. Je ne vous avais jamais parlé, mais je vous savais une personne de grande valeur, et j’examinai sous un jour nouveau cet artiste que j’avais plusieurs fois rencontré sans y faire attention ; je connaissais toute son existence parce que son nom se trouvait lié à beaucoup d’aventures où des femmes de toute classe, depuis les bohémiennes jusqu’aux princesses, avaient joué un rôle. Le violoniste Abel était donc sur mes notes comme un rouage du monde de la galanterie, où s’étaient