Page:Sand - Malgretout.djvu/29

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ment raisonnable de sa liberté. Certes j’eusse mieux aimé trouver pour Adda un jeune homme encore pur de ces unions de fantaisie ; mais Adda est bien enfant d’âge et de caractère : son instinct la porte vers un homme fait dont la raison, aidée d’une sorte d’expérience de la vie à deux, puisse développer la sienne, et j’espère que Rémonville, habitué à souffrir les bourrasques et les écarts d’une indigne compagne, trouvera adorables les innocents caprices d’une femme honnête et bonne.

— Espérons qu’il en sera ainsi, répondis-je ; mais j’avais rêvé pour ma sœur comme pour moi un homme tel que vous, dont elle eût été le premier et le dernier attachement.

— Vous me croyez plus parfait que je ne le suis, reprit mon excellent père ; quand j’épousai votre mère, j’avais déjà aimé, oui, je le confesse. Une actrice en renom m’avait tourné la tète, et, si je n’eusse été sauvegardé par une timidité invincible, j’eusse certainement fait des folies pour elle ; mais je n’ai jamais osé le lui dire, et, quand je connus votre incomparable mère, le charme qui pesait sur moi fut à jamais détruit. J’échappai à l’obsession d’une pensée funeste, j’aimai avec candeur un idéal de candeur, et je n’ai point passé un jour de cette heureuse union sans remercier Dieu de m’avoir délivré d’un vain prestige. Je dois dire, ajouta mon père, que je savais bien les extravagances du démon qui m’avait fasciné, et que cela me servit à appré-