Page:Sand - Malgretout.djvu/292

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moi, et peut-être s’était-il dit : « À chacune d’elles ce qui lui convient, le respect à la fiancée, la passion à la tentatrice ! Je donne à l’une ce dont l’autre ne veut point, je suis dans la vérité, dans l’usage, dans le droit de mon sexe, dans le bon sens et dans le bon goût peut-être ! »

À supposer qu’il eût raisonné plus sérieusement, ne m’avait-il pas dit : « Prenez-moi, emmenez-moi, gardez-moi, ou je suis perdu ? » Il me l’avait dit, il me l’avait répété. Je n’avais pas compris, moi, qu’il était incapable d’attendre huit jours sans contracter de nouvelles souillures. Je n’avais pas deviné que, s’il était venu me trouver, c’était pour échapper à d’invincibles tentations. Je ne voulais pas croire que ce fût par dépit, j’admettais qu’il eût la volonté loyale, le cœur réellement sincère. Je n’étais pas irritée, je ne l’accusais pas. Il m’aimait comme il pouvait aimer, il était persuadé de son amour, il ne me mentait pas et ne se mentait pas à lui-même. Il avait peut-être l’intention de m’être fidèle à partir du mariage ; mais jusqu’à la veille il ne pouvait répondre de rien. Il ne s’appartenait pas, il n’avait jamais essayé de contenir son impétuosité naturelle et fatale. Il n’eût pas pu. Le torrent peut-il dire au ruisseau où il va et d’où il vient ?

Je pouvais tout lui pardonner, sauf de m’avilir ; mais il ne dépendait pas de lui que cela ne fût pas. Il n’avait pas voulu prononcer mon nom, il avait forcé mademoiselle d’Ortosa à le respecter, il avait