Page:Sand - Malgretout.djvu/31

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la connaissance de la réalité. À l’époque de ce fatal mariage, j’appartenais trop à l’idéal. Qui sait si je suis assez corrigée ?

Adda fut enivrée de sa lune de miel, et nous le fûmes aussi, mon père et moi, car mon beau-frère paraissait l’aimer uniquement, et nous ne pouvions plus douter du bonheur de cette chère enfant. Le bonheur lui est nécessaire plus qu’à toute autre. Elle en a besoin pour prendre possession de tous ses avantages naturels. C’est une plante délicate que la souffrance transforme et détériore. La confiance dans le triomphe développe en elle des grâces inouies, des effusions qui rachètent au centuple ses injustices passées. Elle me demanda mille fois pardon d’avoir méconnu mon dévouement et calomnié en elle-même ma loyauté. Elle m’appela sa providence, son ange gardien ; elle voulait me combler de présents et se fût ruinée pour me parer, si je ne l’en eusse empêchée. Elle se faisait, disait-elle, une joie et une gloire de prouver à notre père et à moi que l’amour avait éclairé et ravivé en elle les affections de la famille au lieu de les obscurcir. Elle fit encore sur votre compte quelques réflexions désobligeantes, mais elle s’en blâma elle-même et oublia ses griefs.

On s’aperçut assez vite que M. de Rémonville était fort endetté. Mon père paya tout sans lui faire le moindre reproche et ne voulut rien diminuer du revenu qu’il avait assigné à sa fille. C’était beau-