Page:Sand - Malgretout.djvu/330

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nous plaçait très-haut dans le monde et ouvrait un avenir à mes enfants. Sarah n’est bonne qu’à enterrer nos existences avec la sienne. Je me révolte à la fin contre ce système de mort, et je sépare ma destinée de la sienne.

Elle commença aussitôt ses paquets et ceux de ses enfants.

— Quoi ! m’écriai-je lorsqu’elle vint chercher dans ma chambre les petites robes de Sarah, ces jolis chiffons que j’avais faits moi-même avec tant de soin et d’amour, tu veux emmener la petite à peine guérie ?

— Tais-toi ! répondit-elle d’une voix âpre et vibrante. Grâce à ton accaparement de ma fille, je passe pour une mauvaise mère, ce qu’il y a de plus odieux au monde. Oh ! je sais tout ce que mes ennemies pensent de moi, et tout ce qu’à propos de tes vertus maternelles je subis de critiques et d’outrages. Je ne veux plus quitter mes enfants, entends-tu ! jamais ! Ils me suivront partout, ils sont à moi, et je te défends de me suivre, car partout où l’on verra miss Owen à mes côtés, on dira : « La vraie mère, c’est elle ; elle est la Cendrillon, c’est bien connu ! Sa sœur danse, et elle berce les marmots ! »

L’arrêt fut écrasant, mais rien ne put le détourner, ni larmes, ni reproches, ni inquiétudes pour la petite, ni supplications passionnées. Ma pauvre sœur était blessée dans son amour-propre, et, pour elle, c’était pire que d’être blessée au cœur.