Page:Sand - Malgretout.djvu/46

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blent à des plaies vives. Malgré ces âpretés, le lieu est plein de suavités intimes. Le rivage est embaumé de plantes aromatiques, l’armoise camphrée y foisonne, et la rue, dont la forte senteur est vivifiante, y accumule ses petits boutons d’or. D’étroits tapis d’un gazon fin et frais sont jetés en pente douce sur une des marges. On a creusé là un canal qui, après avoir fait tache dans cet austère paysage, est devenu avec le temps et la végétation une de ses beautés, car c’est lui précisément qui, avec son eau limpide, égale et contenue, sa bordure de jeunes arbres vigoureux, son sentier de sable uni, les guirlandes de lierre et de houblon qui le festonnent, apporte la grâce et le sentiment de la douceur dans un cadre dur et menaçant. La Meuse, bifurquée par cette saignée, commence à se soumettre à la canalisation à partir du pont. On peut suivre en bateau son cours libre le long du rocher à pic, ou marcher le long du canal. La langue de terre qui sépare ces deux eaux courantes est un vrai parc naturel ; tout y est verdure, arbres, buissons ou grandes herbes sauvages. D’un côté, c’est le fleuve solennel et profond aux mouvements majestueux ; de l’autre, le ruisseau régulier abondant et clair, où l’on voit sauter les poissons et se refléter le feuillage.

J’aimais particulièrement ce bel endroit si touffu ; et en même temps si propre qu’on le dirait vierge de pas humains. Le vieux jardinier que j’allais voir