Page:Sand - Malgretout.djvu/70

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— À la bonne heure ! Eh bien, que me reproche ma chère Sarah ?

— Rien à vous ; mais elle se demande si elle ne doit pas se reprocher quelque chose.

— Quoi donc ?

— Précisément l’émotion et le ravissement dont vous parliez tout à l’heure ; voilà ce que je me demandais en vous attendant. N’est-il pas déraisonnable, même injuste, de se laisser charmer jusqu’au frisson, jusqu’aux larmes, par un monsieur qui exprime la passion, la joie, la douleur, toutes les agitations de l’âme sur un violon dont il sait bien jouer ? Si l’on s’accorde le droit d’être si sensible au génie d’un artiste, que réservera-t-on en soi-même pour les vertus modestes et les humbles dévouements ?


— J’entends, vous ne voulez applaudir la Patti qu’à la condition de savoir si elle compte avec sa bonne, et vous exigez que Faure monte régulièrement sa garde ? Je vous confesse que je n’ai jamais songé à m’en enquérir.

— Vous vous moquez de moi, mon père, et je sens que c’est vous qui avez raison. Je suis absurde de m’enquérir du véritable caractère d’un homme dont l’existence est l’antipode de la mienne. On doit écouter son violon et ne pas tenir compte de ses discours.

— Ses paroles vous ont donc choquée ? Dites-le-moi, et demain matin je le laisse partir.