Page:Sand - Marianne, Holt, 1893.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jamais à prendre le trot, allure inusitée pour une jument poulinière du pays.

André avait pris les devants à pied. Il arriva le premier à Validat, mais il attendit pour se présenter que la patache l’eût rejoint. Le lourd véhicule, trouvant la barrière ouverte, fit son entrée majestueuse et lente, et s’arrêta entre la porte du logis et le tas de fumier. Philippe trouva son futur manoir un peu trop rustique et se promit de changer tout ça, pour peu qu’il y eût des bâtiments convenables. Malheureusement il n’y en avait pas, et Marianne, qui attendait ses hôtes au seuil de la chambre des métayers, les y fit entrer, ni plus ni moins que s’ils eussent été de simples paysans. Marianne avait pourtant son petit sanctuaire très-coquet de l’autre côté de la cloison ; mais elle n’était pas disposée encore à y admettre un étranger, et Pierre lui sut gré de ne pas en accorder l’entrée si vite à son nouvel hôte.

Marianne, après avoir embrassé madame André, tendu la main à son parrain et salué sans timidité le convive qu’on lui présentait, emmena madame André dans sa chambre afin qu’elle se débarrassât de son châle et de son voile noir. En ce temps-là, les bourgeoises pauvres ne portaient guère de chapeaux ; elles sortaient avec un voile sur leur bonnet de linge blanc.

XIX

Pierre s’amusait intérieurement de la déconvenue de Philippe, que celui-ci dissimulait de son mieux sous un air enjoué. Il ne se doutait pas de la simplicité, je dirai même de la rusticité des habitudes de nos propriétaires campagnards en ce pays et à cette époque. Marianne n’avait rien changé d’apparent à ses habitudes d’enfance.