Page:Sand - Marianne, Holt, 1893.djvu/70

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mais, si vous voulez passer par le logis à la demoiselle, vous n’aurez pas à faire le tour des bâtiments.

— Nous aimons mieux faire le tour, répondit Pierre, qui était pourtant très-curieux de pénétrer chez Marianne, mais qui ne se souciait pas de montrer le chemin à son compagnon. Ils passèrent derrière la métairie et entrèrent dans le jardin de Marianne, où ils trouvèrent la table dressée et le couvert mis dans le petit parterre abrité qui s’étendait devant l’appartement. La porte vitrée était ouverte toute grande, et, sans entrer, car il n’y avait personne, ils virent un petit salon en vieille boiserie, peinte en blanc et vernie à neuf.

Le meuble Louis XV était assorti à la boiserie. La glace, enguirlandée de ces jolis festons de bois découpé qu’on imite tant bien que mal aujourd’hui, avait à cette époque quelque chose de très-suranné, car la mode, surtout en province, les proscrivait absolument. Ce n’en était pas moins coquet et charmant, ces guirlandes d’un blanc poli pendant jusque sur la glace transparente, que des gerbes véritables placées devant ne laissaient voir que comme un point brillant ouvrant sur l’espace.

Pierre, avec un effort de mémoire, reconnut cette pièce et ce mobilier que, du temps du père Chevreuse, il avait vus sales, écornés, sentant la gêne ou l’apathie. Marianne avait eu le bon goût d’apprécier ces vestiges de l’autre siècle et de les faire restaurer. Le pavé était recouvert d’un tapis à teintes douces. Aucun objet sur les boiseries, mais partout des fleurs splendides s’élevant en buissons, presque en arbres, sur les encoignures et sur la console qui faisait face à la cheminée.

— Voilà qui est exquis ! s’écria Philippe. Je savais bien qu’elle était artiste !

— Comment le saviez-vous ? lui dit Pierre, qui au fond était plus surpris que lui.

— Mon cher, ça se voit dans la femme, au premier aspect, sans pouvoir se définir. Marianne a le type duchesse !