Page:Sand - Marianne, Holt, 1893.djvu/73

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exemple, cette élode des marais, qui est là sous nos pieds.

— Ah ! celle-là vient des pierres de Crevant, elle a bien voulu pousser ici.

— Tu as donc été quelquefois à Crevant ?

— Souvent, c’est un jardin naturel très-riche ; c’est de là que j’ai rapporté cette jolie jacynthe blanche.

— Ce n’est pas une jacynthe, c’est la ményanthe, beaucoup plus belle et plus rare.

— Je ne sais pas les noms des plantes, mon parrain, mais je connais bien leur figure et leur odeur. Toutes les fois que je me promène, je recueille des graines, des oignons ou de jeunes plantes, je les apporte ici, où presque tout réussit.

— Alors je comprends ce que je vois. Ce petit éden est ton ouvrage ?

— En partie ; mais je ne me vante pas d’acclimater volontairement toutes ces folles herbes, on me tiendrait pour folle.

— Tu aurais bien pu me le dire à moi, qui ai la même manie.

— Oh ! vous, vous êtes savant, et il est naturel que vous soyez curieux de tous ces échantillons. Moi qui ne sais rien, je n’ai pas d’excuse.

— Tu aurais besoin d’excuse pour aimer les fleurs ? Ah ! Marianne, c’est d’autant plus charmant de ta part que tu ne sais pas tous les secrets de leur beauté. Si tu les examinais attentivement…

— Oh ! pour cela, je les examine, et, sans savoir un mot de science, je pourrais vous dire leurs rapports et leurs différences. Elles sont si jolies et si variées ! J’admire encore plus les belles fleurs étrangères que vous avez dans votre jardin ; mais mon amitié n’est pas pour elles. Nos petites sauvages sont plus à mon gré et à ma portée.

— Tu les regardes donc dans tes promenades ? Je m’imaginais que tu ne voyais rien, que tu faisais courir ta Suzon pour le plaisir de te sentir emportée vite,