Page:Sand - Marianne, Holt, 1893.djvu/77

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une révérence académique très-moqueuse, mais pleine de gentillesse.

Pierre la regardait avec stupéfaction. Il ne se doutait pas qu’elle pût être animée et coquette à ce point. Philippe, enhardi, se mit à lui faire la cour, enchanté d’être raillé par elle, et pensant, comme tout autre l’eût pensé à sa place, qu’elle prenait grand plaisir à le rendre amoureux.

XXII

On servit le dîner sous les pampres et les jasmins, dont les longues guirlandes descendaient sur l’auvent et retombaient en franges autour des convives. La table était toute brillante de vieilles faïences, alors sans grande valeur, mais qui aujourd’hui seraient fort estimées, et dont les couleurs gaies, se détachant sur un fond bleuâtre, réjouissaient la vue. Marianne avait remis en vue d’anciennes verreries de Nevers que ses parents n’osaient plus faire paraître, parce qu’on n’estimait plus les antiquailles, mais qu’un amateur eût admirées. Philippe était assez artiste pour apprécier au moins l’étrangeté de ces jolis ustensiles, et il ne laissa échapper aucune occasion de louer l’ensemble et les détails du service. Il mangea de grand appétit, car Marichette, dirigée par la demoiselle, était une fine cuisinière, et les mets les plus simples devenaient de friands morceaux en sortant de ses mains. Il y avait encore quelques bouteilles d’excellent vin dans le cellier du père Chevreuse ; Marianne n’y avait pas fait de tort. En somme, elle mit à son petit dîner autant de coquetterie qu’elle en avait mis dans sa personne et dans ses manières. Philippe, qui ne