Page:Sand - Mauprat.djvu/111

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bras autour de sa taille, lorsqu’elle me dit d’une voix triste et affaiblie :

— Mon cousin, je vous demande pardon si je ne vous parle pas. Je ne comprends pas bien ce que vous me dites. Je me sens exténuée de fatigue, il me semble que je vais mourir. Heureusement, nous voici arrivés. Jurez-moi que vous aimerez mon père, que vous céderez à tous ses conseils, que vous ne prendrez parti sur quoi que ce soit sans me consulter. Jurez-le-moi si vous voulez que je croie à votre amitié.

— Oh ! mon amitié, n’y croyez pas, j’y consens, répondis-je ; mais croyez à mon amour. Je jure tout ce qu’il vous plaira ; mais vous, ne me promettez-vous rien, là, de bonne grâce ?

— Que puis-je vous promettre qui ne vous appartienne ? dit-elle d’un ton sérieux ; vous m’avez sauvé l’honneur, ma vie est à vous.

Les premières lueurs du matin blanchissaient alors l’horizon, nous arrivions au village de Sainte-Sévère, et bientôt nous entrâmes dans la cour du château. En descendant de cheval, Edmée tomba dans les bras de son père ; elle était pâle comme la mort. M. de la Marche fit un cri et aida à l’emporter. Elle était évanouie. Le curé se chargea de moi. J’étais fort inquiet sur mon sort. La méfiance naturelle aux brigands se réveilla dès que je cessai d’être sous la fascination de celle qui avait réussi à me tirer de mon antre. J’étais comme un loup blessé, et je jetais des regards sombres autour de moi, prêt à m’élancer sur le premier qui ferait un geste ou dirait un mot équivoque. On me conduisit à un appartement splendide, et une collation, préparée avec un luxe dont je n’avais pas l’idée, me fut servie immédiatement. Le curé me témoigna beaucoup d’intérêt, et, ayant réussi à me rassurer un peu, il me quitta pour s’oc-