Page:Sand - Mauprat.djvu/159

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bras. Voyez, vous m’avez écorchée contre le grillage.

— Pourquoi vous êtes-vous retranchée contre moi ? lui dis-je en couvrant de mes lèvres la légère blessure que je lui avais faite au bras. Ah ! que je suis malheureux ! Maudit grillage ! Edmée, si vous vouliez pencher votre tête, je pourrais vous embrasser… vous embrasser comme ma sœur. Edmée, que craignez-vous ?

— Mon bon Bernard, répondit-elle, dans le monde où je vis, on n’embrasse même pas sa sœur, et nulle part on ne s’embrasse en secret. Je vous embrasserai devant mon père, tous les jours si vous voulez, mais jamais ici.

— Vous ne m’embrasserez jamais ! m’écriai-je, rendu à mes fureurs accoutumées. Et votre promesse ? et mes droits ?

— Si nous nous marions ensemble…, dit-elle avec embarras, quand vous aurez reçu l’éducation que je vous supplie de recevoir…

— Mort de ma vie ! vous moquez-vous ? Est-il question de mariage entre nous ? Nullement ; je ne veux pas de votre fortune, je vous l’ai dit.

— Ma fortune et la vôtre n’en font plus qu’une, répondit-elle. Entre parents aussi proches que nous le sommes, le tien et le mien sont des mots sans valeur. Jamais la pensée ne me viendra de vous croire cupide. Je sais que vous m’aimez, que vous travaillerez à me le prouver, et qu’un jour viendra où votre amour ne me fera plus peur, parce que je pourrai l’accepter à la face du ciel et des hommes.

— Si c’est là votre idée, repris-je tout à fait distrait de mes sauvages transports par la direction nouvelle qu’elle donnait à mes pensées, ma position est bien différente ; mais, à vous dire vrai, il faut que j’y réfléchisse… Je n’avais pas songé que vous l’entendriez ainsi…