Page:Sand - Mauprat.djvu/189

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mais plus je faisais d’efforts pour les retenir, plus ma poitrine se gonflait de sanglots. Chez les êtres aussi physiquement forts que je l’étais, les pleurs sont des convulsions ; les miens ressemblaient à une agonie.

— Voyons ! dis donc ce que tu as ! s’écria Edmée avec la brusquerie de l’amitié fraternelle.

Et elle osa poser sa main sur mon épaule. Elle me regardait d’un air d’impatience, et une grosse larme coulait sur sa joue. Je me jetai à genoux et j’essayai de lui parler, mais cela me fut encore impossible je ne pus articuler que le mot demain à plusieurs reprises.

— Demain ? quoi donc, demain ? dit Edmée est-ce que tu ne te plais pas ici ? est-ce que tu veux t’en aller ?

— Je m’en irai si vous voulez, répondis-je ; dites, voulez-vous ne me revoir jamais ?

— Je ne veux point de cela, reprit-elle ; vous resterez ici, n’est-ce pas ?

— Commandez, répondis-je.

Elle me regarda avec beaucoup de surprise ; je restais à genoux ; elle s’appuya sur le dos de ma chaise.

— Moi, je suis sûre que tu es très bon, dit-elle, comme si elle eût répondu à une objection intérieure ; un Mauprat ne peut rien être à demi, et, du moment que tu as un bon quart d’heure, il est certain que tu dois avoir une noble vie.

— Je l’aurai, répondis-je.

— Vrai ? dit-elle avec une joie naïve et bonne.

— Sur mon honneur, Edmée, et sur le tien ! Oses-tu me donner une poignée de main ?

— Certainement, dit-elle.

Elle me tendit la main ; mais elle tremblait.

— Vous avez donc pris de bonnes résolutions ? me dit-elle.