Page:Sand - Mauprat.djvu/200

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quand vous serez vieux, il n’y aura peut-être plus de titres ni de seigneuries. Peut-être qu’on vous appellera le père Mauprat, comme on m’appelle le père Patience, bien que je n’aie jamais été ni moine ni père de famille.

— Eh bien, où veux-tu en venir ?

— Souvenez-vous de ce que je vous ai dit, répéta-t-il ; il y a bien des manières d’être sorcier, et on peut connaître l’avenir sans s’être donné au diable ; moi, je donne ma voix à votre mariage avec la cousine. Continuez à vous bien conduire. Vous voilà savant ; on dit que vous lisez couramment dans le premier livre venu. Qu’est-ce qu’il faut de plus ? Il y a ici tant de livres que la sueur me coule du front rien qu’à les voir ; il me semble que je recommence à ne pouvoir pas apprendre à lire. Vous voilà bientôt guéri. Si M. Hubert voulait m’en croire, on ferait la noce à la Saint-Martin.

— Tais-toi, Patience ! lui dis-je, tu me fais de la peine ; ma cousine ne m’aime pas.

— Je vous dis que si, moi ; vous mentez par la gorge ! comme disent les nobles. Je sais comme elle vous a soigné, et Marcasse, étant sur le toit, l’a vue à travers sa fenêtre, qui était à genou au milieu de sa chambre à cinq heures du matin, le jour que vous étiez si mal.

Les imprudentes assertions de Patience, les tendres soins d’Edmée, le départ de M. de La Marche, et, plus que tout le reste, la faiblesse de mon cerveau, furent cause que je me persuadai ce que je désirais ; mais, à mesure que je repris mes forces, Edmée rentra dans les bornes de l’amitié tranquille et prudente. Jamais personne ne recouvra la santé avec moins de plaisir que moi ; car chaque jour rendait les visites d’Edmée plus courtes, et, quand je pus sortir de ma chambre, je n’eus plus que quelques heures par jour à passer près d’elle, comme avant ma maladie. Elle avait eu