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XII


Le vieux Bernard, fatigué d’avoir tant parlé, nous avait remis au lendemain. Sommé par nous, à l’heure dite, de tenir sa parole, il reprit son récit en ces termes :


Cette époque marqua dans ma vie une nouvelle phase. À Sainte-Sévère, j’avais été absorbé par mon amour et mes études. J’avais concentré sur ces deux points toute mon énergie. À peine arrivé à Paris, un épais rideau se leva devant mes yeux, et, pendant plusieurs jours, à force de ne rien comprendre, je ne me sentis étonné de rien. J’attribuais à tous les acteurs qui paraissaient sur la scène une supériorité très exagérée ; mais je ne m’exagérais pas moins la facilité que j’aurais bientôt à égaler cette puissance idéale. Mon naturel entreprenant et présomptueux voyait partout un défi et nulle part un obstacle.

Logé à un étage séparé dans la maison qu’occupaient mon oncle et ma cousine, je passai désormais la plus grande partie de mon temps auprès de l’abbé. Je ne fus point étourdi des avantages matériels de ma position ; mais, en voyant beaucoup de positions équivoques ou pénibles, je commençai à sentir le bien-être de la mienne. Je compris l’excellent caractère de mon gouverneur, et le respect de mon laquais ne me sembla plus incommode. Avec la liberté