Page:Sand - Mauprat.djvu/221

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auriez plus profité à la représentation de Mérope qu’en écoutant ma conversation de ce soir, car je vous avertis que je suis idiote.

— Tant mieux, cousine, vous ne m’humilierez pas, et, pour la première fois, nous serons sur le pied de l’égalité. Mais voulez-vous me dire pourquoi vous méprisez tant mes asters ? Je croyais que vous les garderiez comme une relique.

— À cause de Rousseau, dit-elle en souriant avec malice sans lever les yeux sur moi.

— Oh ! c’est bien ainsi que je l’entends, repris-je.

— Je joue un jeu très intéressant, dit-elle ; ne me dérangez pas.

— Je le connais, lui dis-je ; tous les enfants de la Varenne le jouent, et toutes nos bergères croient à l’arrêt du sort que ce jeu révèle. Voulez-vous que je vous explique vos pensées, lorsque vous arrachiez ces pétales quatre à quatre ?

— Voyons, grand nécromant !

Un peu, c’est ainsi que quelqu’un vous aime ; beaucoup, c’est ainsi que vous l’aimez ; passionnément, un autre vous aime ainsi ; pas du tout, voilà comme vous aimez celui-là.

— Et pourrait-on savoir, monsieur le devin, reprit Edmée, dont la figure devint plus sérieuse, ce que signifient quelqu’un et un autre ? Je crois que vous êtes comme les antiques pythonisses : vous ne savez pas vous-même le sens de vos oracles.

— Ne sauriez-vous deviner le mien, Edmée ?

— J’essayerai d’interpréter l’énigme, si vous voulez me promettre de faire ensuite ce que fit le sphinx vaincu par Œdipe…

— Oh ! Edmée, m’écriai-je, il y a longtemps que je me casse la tête contre les murs à cause de vous et de vos in-