Page:Sand - Mauprat.djvu/224

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sans doute à qui elle écrivait. La jalousie brûlait mes entrailles. Je sortis brusquement et je traversai l’antichambre ; je regardai l’homme qui avait apporté la lettre ; il était à la livrée de M. de La Marche. Je n’en doutais pas ; mais cette certitude augmenta ma fureur. Je rentrai au salon en jetant violemment la porte. Edmée ne tourna pas seulement la tête ; elle écrivait toujours. Je m’assis vis-à-vis d’elle ; je la regardai avec des yeux de feu. Elle ne daigna pas lever les siens sur moi. Je crus même remarquer sur ses lèvres vermeilles un demi-sourire qui me parut insulter à mon angoisse. Enfin elle termina sa lettre et la cacheta. Je me levai alors et m’approchai d’elle, violemment tenté de la lui arracher des mains. J’avais appris à me contenir un peu plus qu’autrefois, mais je sentais qu’un seul instant peut, dans les âmes passionnées, renverser le travail de bien des jours.

— Edmée, lui dis-je avec amertume et avec une effroyable grimace qui s’efforçait d’être un sourire caustique, voulez-vous que je remette cette lettre au laquais de M. de La Marche, et que je lui dise en même temps à l’oreille à quelle heure son maître peut venir au rendez-vous ?

— Mais il me semble, répondit-elle avec une tranquillité qui m’exaspéra, que j’ai pu indiquer l’heure dans ma lettre et qu’il n’est pas besoin d’en informer les valets.

— Edmée, vous devriez me ménager un peu plus ! m’écriai-je.

— Je ne m’en soucie pas le moins du monde, répondit-elle.

Et, me jetant sur la table la lettre reçue, elle sortit pour remettre elle-même sa réponse au messager. Je ne sais si elle m’avait dit de lire cette lettre. Je sais que le mouvement qui me porta à le faire fut irrésistible. Elle était conçue à peu près ainsi :