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XVII


Un immense changement s’était opéré en moi dans le cours de six années. J’étais un homme à peu près semblable aux autres ; les instincts étaient parvenus à s’équilibrer presque avec les affections, et les impressions avec le raisonnement. Cette éducation sociale s’était faite naturellement. Je n’avais eu qu’à accepter les leçons de l’expérience et les conseils de l’amitié. Il s’en fallait de beaucoup que je fusse un homme instruit ; mais j’étais arrivé à pouvoir acquérir rapidement une instruction solide. J’avais sur toutes choses des notions aussi claires qu’on pouvait les avoir de mon temps. Je sais que, depuis cette époque, la science de l’homme a fait des progrès réels ; je les ai suivis de loin, et je n’ai jamais songé à les nier. Or, comme je ne vois pas tous les hommes de mon âge se montrer aussi raisonnables, j’aime à croire que j’ai été mis de bonne heure dans une voie assez droite, puisque je ne me suis pas arrêté dans l’impasse des erreurs et des préjugés.

Les progrès de mon esprit et de ma raison parurent satisfaire Edmée.

— Je n’en suis pas étonnée, me dit-elle ; vos lettres me l’avaient appris ; mais j’en jouis avec un orgueil maternel.

Mon bon oncle n’avait plus la force de se livrer, comme autrefois, à d’orageuses discussions, et je crois vraiment que, s’il eût conservé cette force, il eût un peu regretté de