Page:Sand - Mauprat.djvu/285

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que nous fait cela ? Sommes-nous attachés à la police pour nous enquérir de ces misérables ? et, si nous les trouvions cachés quelque part, ne les aiderions-nous pas à fuir plutôt que de les livrer à la justice ? Nous avons nos armes, nous ne craignons pas qu’ils nous assassinent cette nuit ; et, s’ils s’amusent à nous faire peur, ma foi, malheur à eux ! je ne connais ni parents ni alliés quand on me réveille en sursaut. Ainsi donc, faisons-nous servir l’omelette que les braves gens du domaine nous préparent ; car, si nous continuons à frapper et à gratter les murailles, ils vont nous croire fous.

Marcasse se rendit par obéissance plutôt que par conviction ; je ne sais quelle importance il attachait à découvrir ce mystère, ni quelle inquiétude le tourmentait, car il ne voulait pas me laisser seul dans la chambre enchantée. Il prétendait que je pouvais encore me trouver malade et tomber en convulsion.

— Oh ! cette fois, lui dis-je, je ne serai pas si poltron. Le manteau m’a guéri de la peur des revenants, et je ne conseille à personne de se frotter à moi.

L’hidalgo fut forcé de me laisser seul. J’amorçai mes pistolets et je les plaçai à portée de ma main sur la table ; mais ces précautions furent en pure perte ; rien ne troubla le silence de la chambre, et les lourds rideaux de soie rouge, aux coins armoriés d’argent noirci, ne furent pas agités par le plus léger souffle. Marcasse revint, et, joyeux de me trouver aussi gai qu’il m’avait laissé, prépara notre souper avec autant de soins que si nous fussions venus à la Roche-Mauprat avec la seule intention de faire un bon repas. Il plaisanta sur le chapon qui chantait encore à la broche, et sur le vin qui faisait l’effet d’une brosse dans le gosier. Mais le métayer vint augmenter sa bonne humeur en nous apportant quelques bouteilles d’excellent madère