Page:Sand - Mauprat.djvu/317

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nom du ciel ! sonnez ! Il n’y a qu’un instant qu’il est dans cet état.

Je sonnai à la hâte ; l’abbé nous rejoignit, et nous eûmes le bonheur de rappeler mon oncle à la vie.

Mais, lorsqu’il ouvrit les yeux, son esprit semblait lutter contre les impressions d’un rêve pénible.

— Est-il parti, est-il parti, ce misérable fantôme ? s’écria-t-il à plusieurs reprises. Holà ! Saint-Jean ! mes pistolets !… Mes gens ! qu’on jette ce drôle par les fenêtres !

Je soupçonnai la vérité.

— Qu’est-il donc arrivé ? dis-je à Edmée à voix basse ; qui donc est venu ici durant mon absence !

— Si je vous le dis, répondit Edmée, vous le croirez à peine, et vous nous accuserez de folie, mon père et moi ; mais je vous conterai cela tout à l’heure ; occupons-nous de mon père.

Elle parvint, par ses douces paroles et ses tendres soins, à rendre le calme au vieillard. Nous le portâmes à son appartement, et il s’endormit tranquille. Quand Edmée eut retiré légèrement sa main de la sienne et abaissé le rideau ouaté sur sa tête, elle s’approcha de l’abbé et de moi, et nous raconta qu’un quart d’heure avant notre retour un frère quêteur était entré dans le salon où elle brodait, selon sa coutume, près de son père assoupi. Peu surprise d’un incident qui arrivait quelquefois, elle s’était levée pour prendre sa bourse sur la cheminée, tout en adressant au moine des paroles de bienveillance. Mais, au moment où elle se retournait pour lui tendre son aumône, le chevalier, éveillé en sursaut, s’était écrié en toisant le moine d’un air à la fois courroucé et effrayé :

— Par le diable ! monsieur, que venez-vous faire ici sous ce harnais-là ?