Page:Sand - Mauprat.djvu/364

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maines. Ils intriguèrent auprès de moi pour m’amener à des révélations, et me promirent presque un arrêt favorable si j’avouais au moins avoir blessé Mlle  de Mauprat par mégarde. Le mépris avec lequel je reçus ces ouvertures acheva de me les aliéner. Étranger à toute intrigue, dans un temps où la justice et la vérité ne pouvaient triompher sans l’intrigue, je fus la proie de deux ennemis redoutables, le clergé et la robe ; le premier, que j’avais offensé dans la personne du prieur des Carmes, et la seconde, dont j’étais haï à cause des prétendants qu’Edmée avait repoussés, et dont le plus rancuneux tenait de près au personnage le plus éminent du présidial.

Néanmoins quelques hommes intègres auxquels j’étais à peu près inconnu prirent intérêt à mon sort, en raison des efforts qui furent faits pour me rendre odieux. L’un d’eux, M. E…, qui ne manquait pas d’influence, car il était frère de l’intendant de la province et se trouvait en rapport avec tous les délégués, me servit par les excellents avis qu’il ouvrit pour jeter du jour sur cette affaire embarrassante.

Patience eût pu servir mes ennemis sans le vouloir, par la conviction où il était de ma culpabilité ; mais il ne le voulait pas. Il avait repris sa vie errante dans les bois, et, sans se cacher, il était insaisissable. Marcasse était fort inquiet de ses intentions et ne comprenait rien à sa conduite. Les cavaliers de la maréchaussée étaient furieux de voir un vieillard se jouer d’eux sans sortir du rayon de quelques lieues de pays. Je pense qu’avec les habitudes et la constitution de ce vieillard il eût pu vivre des années dans la Varenne sans tomber entre leurs mains et sans éprouver le besoin de se rendre, que l’ennui et l’effroi de la solitude suggèrent, la plupart du temps, aux grands criminels eux-mêmes.