Page:Sand - Mauprat.djvu/385

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avait fait entendre par un signe de tête qu’elle le savait. Quelques heures plus tard, les médecins avaient essayé de lui faire comprendre qu’il était vivant : elle avait répondu par un autre signe qu’elle ne le croyait pas. On avait roulé le fauteuil du chevalier dans sa chambre ; on les avait mis en présence l’un de l’autre ; le père et la fille ne s’étaient pas reconnus. Seulement, au bout de quelques instants, Edmée, prenant son père pour un spectre, avait jeté des cris affreux et était tombée dans des convulsions qui avaient rouvert une de ses blessures et donné à craindre pour sa vie. On avait soin depuis ce moment de les tenir séparés et de ne prononcer, devant Edmée, aucune parole qui eût rapport à lui. Elle prenait Arthur pour un médecin du pays et l’avait reçu avec la même douceur et la même indifférence que les autres. Il n’avait pas osé essayer de lui parler de moi ; mais il m’exhortait à ne pas désespérer. L’état d’Edmée n’avait rien dont le temps et le repos ne pussent triompher ; elle avait peu de fièvre, aucune des fonctions vitales de son être n’était réellement troublée ; les blessures étaient à peu près guéries, et le cerveau ne paraissait pas devoir se désorganiser par un excès d’activité. L’affaiblissement où cet organe était tombé, la prostration de tous les autres organes, ne devaient pas lutter longtemps, selon Arthur, contre les ressources de la jeunesse et la puissance d’une admirable constitution. Il m’engageait enfin à songer à moi-même ; je pouvais être utile à Edmée par mes soins et devenir heureux par le retour de son affection et de son estime.

Au bout de quinze jours, Arthur revint de Paris avec l’ordonnance du roi pour la révision de mon jugement. De nouveaux témoins furent entendus. Patience ne parut pas ; mais je reçus de sa part un morceau de papier, avec ces mots d’une écriture informe : « Vous n’êtes pas cou-