Page:Sand - Mauprat.djvu/397

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« — Il est temps que cela finisse, disait Antoine que je reconnus fort bien en le voyant boire et en l’entendant jurer ; je suis las du métier que vous me faites faire. Donnez-moi asile chez les Carmes, ou je fais du bruit.

« — Et quel bruit pouvez-vous faire qui ne vous conduise à la roue, lourde bête ? lui répondit M. Jean. Soyez sûr que vous ne mettrez pas les pieds aux Carmes ; je ne me soucie pas de me voir inculpé dans un procès criminel, car on vous découvrirait là au bout de trois heures.

« — Pourquoi donc, s’il vous plaît ? Vous leur faites bien croire que vous êtes un saint !

« — Je suis capable de me conduire comme un saint, et vous vous conduisez comme un imbécile. Est-ce que vous pouvez vous tenir une heure de jurer et de casser les pots après dîner !

« — Dites donc, Népomucène, est-ce que vous espéreriez sortir de là bien net, si j’avais une affaire criminelle ? reprit l’autre.

« — Qui sait ? répondit le trappiste : je n’ai point pris part à votre folie ni conseillé rien de ce genre.

« — Ah ! ah ! le bon apôtre ! s’écria Antoine en se renversant de rire sur sa chaise, vous en êtes bien content, à présent que cela est fait. Vous avez toujours été lâche, et, sans moi, vous n’auriez imaginé rien de mieux que d’aller vous faire trappiste, pour singer la dévotion et venir ensuite vous faire absoudre du passé, afin d’avoir le droit de tirer un peu d’argent aux casse-têtes de Sainte-Sévère. Belle ambition, ma foi ! que de crever sous un froc après s’être gêné toute sa vie, et n’avoir pris que la moitié de tous les plaisirs, encore en se cachant comme une taupe ! Allez, allez, quand on aura pendu le gentil Bernard, que la belle Edmonde sera morte, et que le vieux casse-cou aura rendu ses grands os à la terre, quand nous hériterons de