Page:Sand - Mauprat.djvu/398

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cette jolie fortune-là, vous trouverez que c’est là un joli coup de Jarnac : se défaire de trois à la fois ! Il m’en coûtera bien un peu de faire le dévot, moi qui n’ai pas les habitudes du couvent et qui ne sais pas porter l’habit : aussi je jetterai le froc aux orties, et je me contenterai de bâtir une chapelle à la Roche-Mauprat, et d’y communier quatre fois l’an.

« — Tout ce que vous avez fait là est une sottise et une infamie !

« — Ouais ! ne parlez pas d’infamie, mon doux frère, ou je vais vous faire avaler cette bouteille toute cachetée !

« — Je dis que c’est une sottise, et que, si cela réussit, vous devez une belle chandelle à la Vierge ; si cela ne réussit pas, je m’en lave les mains, entendez-vous ? Quand j’étais caché dans la chambre secrète du donjon, et que j’ai entendu Bernard conter à son valet, après souper, qu’il perdait l’esprit pour la belle Edmée, je vous ai dit en l’air qu’il y aurait là un joli coup à faire ; et, comme une brute, vous avez pris la chose au sérieux, vous avez été, sans me consulter et sans attendre un moment favorable, exécuter une chose qui voulait être pesée et mûrie.

« — Le moment favorable, cœur de lièvre que vous êtes ! et où donc l’aurais-je trouvé ? L’occasion fait le larron. Je me vois surpris par la chasse au milieu du bois ; je me cache dans la maudite tour Gazeau ; je vois arriver mes deux tourtereaux ; j’entends une conversation à crever de rire, Bernard larmoyant, la fille faisant la fière ; Bernard se retire comme un sot, sans avoir fait métier d’homme ; je me trouve sur moi, le bon Dieu sait comment, un scélérat de pistolet tout chargé. Paf !…

« — Taisez-vous, bête sauvage ! dit l’autre tout effrayé ; parle-t-on de ces choses-là dans un cabaret ? Tenez votre langue, malheureux ! ou je ne vous verrai plus.