Page:Sand - Mauprat.djvu/409

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

car, si Edmée n’avait pas avoué tous mes efforts, elle pouvait bien aussi avoir exagéré son inclination pour moi dans le dessein d’atténuer mes défauts. Il m’était impossible de croire qu’elle m’eût aimé avant mon départ pour l’Amérique, et surtout dès les premiers temps de mon séjour auprès d’elle. Je n’avais que cette préoccupation dans l’esprit ; je ne me souvenais même plus de la cause ni du but de mon procès. Il me semblait que la question agitée dans ce froid aréopage était uniquement celle-ci : Est-il aimé ou n’est-il pas aimé ? Le triomphe ou la défaite, la vie ou la mort n’étaient que là pour moi.

Je fus tiré de ces rêveries par la voix de l’abbé Aubert. Il était maigre et défait, mais plein de calme ; on l’avait tenu au secret, et il avait souffert toutes les rigueurs de la prison avec la résignation d’un martyr. Malgré toutes les précautions, l’adroit Marcasse, habile à se glisser partout comme un furet, avait réussi à lui faire tenir une lettre d’Arthur où Edmée avait ajouté quelques mots. Autorisé par cette lettre à tout dire, il fit une déposition conforme à celle de Patience, avouant que, d’après les premières paroles d’Edmée après l’événement d’aliénation de la malade et se souvenant de ma conduite sans reproche depuis plus de six ans, tirant aussi quelque lumière des précédents débats et des bruits publics sur l’existence et la présence d’Antoine Mauprat, il s’était senti trop convaincu de mon innocence pour vouloir témoigner contre moi. S’il le faisait maintenant, c’est qu’il pensait qu’un supplément d’instruction avait éclairé la cour, et que sa déposition n’aurait pas les conséquences graves qu’elle eût pu avoir un mois auparavant.

Interrogé sur les sentiments d’Edmée à mon égard, il détruisit toutes les inventions de Mlle Leblanc et déclara