Page:Sand - Mauprat.djvu/62

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sorcier, et j’approchai hardiment. Sylvain me regardait avec admiration, et je remarquai que Patience lui-même ne s’attendait pas à tant d’audace. J’affectai d’aborder Marcasse et de lui parler, afin de braver mon ennemi. Ce que voyant, il écarta doucement le preneur de taupes ; et, posant sa lourde main sur ma tête il me dit fort tranquillement :

— Vous avez grandi depuis quelque temps, mon beau monsieur !

La rougeur me monta au visage, et, reculant avec dédain :

— Prenez garde à ce que vous faites, manant, lui dis-je ; vous devriez vous rappeler que, si vous avez encore vos deux oreilles, c’est à ma bonté que vous le devez.

— Mes deux oreilles ! dit Patience en riant avec amertume.

Et, faisant allusion au surnom de ma famille, il ajouta :

— Vous voulez dire mes deux jarrets ? Patience ! patience ! un temps n’est peut-être pas loin où les manants ne couperont aux nobles ni les jarrets ni les oreilles, mais la tête et la bourse…

— Taisez-vous, maître Patience, dit le preneur de taupes d’un ton solennel, vous ne parlez pas en philosophe.

— Tu as raison, toi, répliqua le sorcier ; et, au fait, je ne sais pas pourquoi je querelle ce petit gars. Il aurait dû me faire mettre en bouillie par ses oncles ; car je l’ai fouetté, l’été dernier, pour une sottise qu’il m’avait faite ; et je ne sais pas ce qui est arrivé dans la famille, mais les Mauprat ont perdu une belle occasion de faire du mal au prochain.

— Apprenez, paysan, lui dis-je, qu’un noble se venge toujours noblement ; je n’ai pas voulu faire punir mes injures par des gens plus forts que vous ; mais attendez