Page:Sand - Mauprat.djvu/99

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de rôle. C’était elle maintenant qui commandait et menaçait ; elle avait repris toute sa supériorité réelle sur moi en franchissant le seuil de la tour Gazeau ; et ce lieu sauvage, ces témoins étrangers, cet hôte farouche, représentaient déjà la société où je venais de mettre le pied, et dont j’allais bientôt subir les entraves.

— Allons, dit-elle en se tournant vers Patience, nous ne nous entendons pas ici, et, moi, je suis dévorée d’inquiétude pour mon pauvre père, qui me cherche et qui se tord les bras à l’heure qu’il est. Bon Patience ! trouve-moi un moyen de le rejoindre avec ce malheureux enfant que je ne puis laisser à ta garde, puisque tu ne m’aimes pas assez pour être patient et miséricordieux avec lui.

— Qu’est-ce que vous dites ? s’écria Patience en posant sa main sur son front comme au sortir d’un rêve. Oui, vous avez raison ; je suis un vieux brutal, un vieux fou. Fille de Dieu, dites à ce garçon… à ce gentilhomme, que je lui demande pardon du passé, et que, pour le présent, je mets ma pauvre cellule à ses ordres ; est-ce bien parler ?

— Oui, Patience, dit le curé ; d’ailleurs, tout peut s’arranger ; mon cheval est doux et solide, Mlle  de Mauprat va le monter ; vous et Marcasse le conduirez par la bride, et moi, je resterai ici près de notre blessé. Je réponds de le bien soigner et de ne l’irriter en aucune façon. N’est-ce pas, monsieur Bernard, vous n’avez rien contre moi, vous êtes bien sûr que je ne suis pas votre ennemi ?

— Je n’en sais rien, répondis-je, c’est comme il vous plaira. Ayez soin de la cousine, conduisez-la ; moi, je n’ai besoin de rien et je ne me soucie de personne. Une botte de paille et un verre de vin, c’est tout ce que je voudrais, si c’était possible.

— Vous aurez l’un et l’autre, dit Marcasse en me pré-