Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/104

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Moi. je m’efforcerais volontiers d’arriver à cet incognito si commode : il n’y a pas moyen. J’affecte bien de ne pas voir les gens afin de ne pas les saluer, mais on m’arrête en chemin, et, à moins d’être grossier, il me faut échanger quelques paroles. On me demande si j’ai obtenu mon emploi dans les chemins de fer. Je réponds que ça va bien, réponse machiavélique dont la vertu est infaillible sur les amis.

— Alors, tu es content ? tu n’as besoin de rien ? Tu sais, si tu as besoin de quelque chose…

— Rien, merci.

Et je me sauve.

J’ai rencontré Duport, je suis condamné à le rencontrer.

— Je sais de tes nouvelles, m’a-t-il dit d’un air malin. Il parait que tu voulais épouser mademoiselle Jeanne, et que ta fuite est un désespoir d’amour.

— Qui dit cela ? Ta femme ?

— Non, il paraît que c’est un ami de ton oncle.

— Je n’ai pas donné aux amis de mon oncle le droit de me déshonorer.

— Allons ! encore tes scrupules ?… Bah ! j’aurais bien épousé mademoiselle Jeanne, moi, si je n’avais pas trouvé mieux. Elle est diablement belle. On flanque la maman à la porte, et tout est dit.

— Je ne trouve pas. Bonsoir ! je ne suis pas seul.

— Tiens, tu te promènes avec ton portier ? Drôle d’idée !

— Tais-toi donc ! c’est un vieux savant !

— Ah ! c’est donc ça ?… Bonsoir ! bien du plaisir !

Je rattrape le père Sylvestre, et nous nous perdons dans la foule.

Quand le chemin de fer nous a déposés hier à la