Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/110

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beaucoup de domestiques. Mon père à moi était là… Oh ! méchant maître, méchant et voleur ! il a tout perdu, et c’était bien fait ; il avait fait mourir pauvre père noir !

Et, se redressant avec énergie :

— Oui, mourir pour s’amuser, ajouta-t-elle. Il le faisait tomber, danser, sauter comme une bête, pour montrer beau et bon noir obéissant, et pauvre père s’est cassé quelque chose dans l’estomac ; mais Dieu a puni, le maître est mort après huit jours ! Alors, jeune maîtresse m’a dit : « Nous plus rien, plus d’argent, plus de père, ni toi, ni moi ; toi malade ! allons-nous-en ensemble. On t’a tué le père ; moi, je te ferai vivre. Moi, je serai ta mère : toi, tu me berçais dans le hamac ; moi, je te bercerai. » Et nous voilà comme ça. Elle est malade pour moi, elle a de la peine, et, si le médecin était son vrai ami, il me ferait vite mourir ! mais il ne veut pas, et, si je me faisais mourir, moi, maîtresse ne m’aimerait plus, elle l’a dit. Aussi je veux bien attendre. Donnez-moi cette chose qu’il faut boire.

J’étais saisi d’étonnement et d’émotion.

— Zoé, lui dis-je en lui présentant la tasse et en la soutenant pour l’aider à boire, votre méchant maître ne s’appelait pas Vallier ?

— Si fait, c’était son vrai nom, que mademoiselle a repris ; mais il se faisait appeler Célestin Aubry, pour cacher beaucoup de mal qu’il avait fait sous son autre nom.

— Mais avait-il deux filles ?

— Une seule, Esmeralda, Aldine, comme on l’appelle, ma maîtresse.

En ce moment, mademoisselle Vallier rentra. Le médecin l’avait avertie, elle ne fut donc pas surprise de