Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/112

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lantes. À tout prendre, elle est peut-être laide, mais une de ces laides qui effacent les belles et les font trouver insipides. Ses yeux, que je n’avais jamais vus, puisqu’ils étaient fermés quand je surpris son sommeil, sont deux lumières, deux émeraudes pâles, de celles qu’on appelle aigue-marines, car ils sont de la couleur de la mer quand elle passe du vert au bleu. M. Sylvestre s’afflige de les voir agrandis par la fatigue et un peu creusés : mais qu’ils sont beaux ainsi, limpides, intelligents et affectueux ! Ses cheveux ont perdu les tons dorés de l’enfance ; ils sont presque châtains, et d’une souplesse, d’une abondance remarquables. La taille s’est élancée, toute la personne a grandi de deux ou trois pouces ; enfin, le malheur, l’expérience et la vertu aidant, la magote que j’ai dédaignée a subi une métamorphose complète. Elle est devenue une vierge suave, une délicieuse et généreuse fille devant laquelle je me prosternerais de bon cœur.

C’est de chez l’ermite, à la lueur de sa petite lampe à l’huile de pétrole, que je t’écris tout cela, car je me suis installé près de lui. On n’a qu’un fils, il faut bien le soigner. Il va aussi bien que possible. Je sens que je l’aime comme si je l’avais toujours connu, et j’en peux dire autant de mademoiselle Aldine, car je suis volontiers de l’avis de Béranger : que la femme idéale ne doit être ni une maîtresse ni une esclave, mais une amie.