Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mie du ravin, et, si l’industrie régnait sur ce monde paisible, elle se tenait à distance, respectant les sanctuaires de la nature et conservant avec amour ses grâces et ses splendeurs, comme nous respectons aujourd’hui ces jardins paysagers que l’on crée pour remplacer et reconstruire artificiellement la nature qui s’en va. C’était bien agréable, je vous assure, le jardin naturel que j’ai entrevu ! Il y avait de jeunes bouleaux en robe de satin blanc et de vieux chênes aux bras étendus tout couverts de mousses blondes. Je crois avoir aperçu des chevreuils qui ne fuyaient pas, des perdrix et des faisans qui ne se sauvaient pas devant Farfadet ; car il était là, mon chien, et j’ai bien vu qu’il avait aussi une âme. Quant à vous dire comment la mienne était habillée et à travers quels organes je pensais, je ne m’inquiétais de rien. Je ne me trouvais pas emprisonné, je me déplaçais sans effort, et j’attendais… Quoi ? Je ne saurais le dire, car vous m’avez mis, je crois, des sinapismes qui m’ont fait rentrer brusquement dans ma chambre et dans ma peau. Mais vous ne me teniez pas encore ; je suis reparti au bout d’un instant, et je me suis trouvé dans un crépuscule, sur un beau lac, où je nageais comme un cygne, comme une oie, si vous voulez ; je ne demande pas à mieux nager que ça ! Je voyais au loin des formes confuses, mes nouveaux semblables probablement, car mon cœur s’élança vers eux avec un transport de confiance et d’amitié que je ne saurais rendre, et j’allais me joindre à eux, les interroger, les connaître… Vous m’avez dérangé, tout s’est évanoui. Ah ! on ne sait pas de quelles solutions désirées on prive un malade quand on le tourmente pour le ranimer. Dans ce moment-là, vous disiez : « Mon Dieu,