Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/131

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pour toi, mon unique lecteur ; mais mon roman, qui a eu le loisir d’arriver de la première rencontre au premier embrassement, n’a pas encore fait jaillir la moindre étincelle. C’est froid, mais c’est logique. C’est ainsi que cela doit être entre un garçon honnête et une fille sage. S’il en était autrement, l’un des deux serait coupable : ou le garçon coupable d’impertinence et de légèreté, ou la jeune fille coupable d’imprudence et de coquetterie. Donc, le roman de l’amour n’aura ici ni commencement ni fin ; mais le roman d’amitié, car l’amitié comporte parfaitement le romanesque, est en bonne voie et a marché vite. Le moyen qu’il en fût autrement ? J’y ai été de tout cœur, et ma voisine y est venue en toute confiance.

C’est une belle chose que la confiance, sais-tu ! et le plaisir de l’inspirer vaut peut-être bien celui de faire naître l’émotion. Il n’y a pas grand mérite à accélérer les battements d’un cœur féminin et à appeler la rougeur sur les joues d’une vierge. Le premier sot venu peut se vanter d’un pareil triomphe ; mais rassurer sa conscience en obtenant son estime, c’est moins commun, et j’aime les rôles délicats et sûrs.

Il faut dire aussi que, si les hommes ne sont pas tous dignes d’inspirer la confiance en amitié, les femmes ne sont probablement pas toutes capables de l’éprouver. Pour croire aisément à la loyauté, il faut être très-loyal soi-même, il faut n’avoir aucune arrière-pensée, et je suis certain à présent que mademoiselle Vallier est une de ces natures saintement tranquilles que les épreuves de la vie ont armées de pied en cap contre les puériles vanités et les tentations mauvaises. Elle a encore la candeur de l’enfance dans les yeux et dans le sourire ; on voit que chez elle la passion n’a