Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/136

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et j’essayai de me révolter. Je souhaitais que mon père me tuât, et je le menaçai de me tuer moi-même. Savez-vous ce que, dans son délire, il imagina pour me réduire à merci ? J’aimais beaucoup Zoé. la petite servante noire qu’il m’avait donnée.

» — Je ne veux ni vous tuer ni vous faire souffrir, me dit-il. Je veux vous marier, et, comme vous êtes horrible, il n’y a que la fraîcheur de vos joues qui vous fera accepter.

» Il faut vous dire en passant que, comme j’étais fort pale, il me forçait à mettre tous les matins une épaisse teinte de rouge de Chine.

» — Je ne vous battrai donc pas comme vous le mériteriez, continua-t-il ; mais, toutes les fois que vous essayerez seulement de désobéir, je ferai battre sous vos yeux Zoé par son père, et, s’il ne la bat ferme, je la battrai moi-même. Quant à vous jeter par la fenêtre, essayez si vous voulez, mais je vous jure que Zoé prendra immédiatement le même chemin que vous, et qu’avant d’être en bas, vous la recevrez sur la tête.

» Je sais bien à présent qu’il ne l’eût pas fait : mais j’étais assez simple pour le croire, et cette manière d’inventer des menaces terribles et fantastiques était le vrai moyen de me rendre folle ou stupide.

Pendant que mademoiselle Vallier racontait ces choses, je pensais tout bas :

— C’est donc là le pauvre petit être que j’ai vu, dans son développement arrêté par un régime féroce, avec des joues ridiculement fardées et des bras chargés de pierreries, condamné à dormir sous peine de torture morale ! Et je me suis moqué de ce pauvre être, je l’ai raillé, méprisé, presque haï, croyant faire