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XXI

DE PHILIPPE À PIERRE


Volvic, 20 mai.

Tu diras ce que tu voudras, mon ami Pierre, tu es amoureux de mademoiselle Vallier, et le roman que tu regrettes de ne pouvoir entamer est en pleine voie d’exécution. Eh bien, tant mieux ! pourquoi t’en défendre ? Du moment que tu peux estimer et respecter cette digne personne, du moment qu’elle mérite d’occuper ainsi ton cœur et ton esprit, tout ce que tu vas entreprendre d’héroïque pour elle sera du travail intellectuel, de la dépense morale, du temps et de la volonté bien placés et bien employés. Je compte beaucoup sur cette passion, car c’en sera une, pour échauffer ton âme et la ramener à des habitudes moins sceptiques ; mais dépêche-toi de rajeunir et d’aimer ; car, moi qui n’ai pas vieilli encore et qui suis tout croyant, si je vais te voir et que tu te drapes encore dans le manteau de l’indifférence, je te déclare que je prends feu, que je guéris la négresse, que j’emmène ces deux pauvres enfants dans ma montagne, et que je mets aux pieds d’Aldine mes trente ans, mon cœur ingénu, mes bras solides, mon humble science, mon honorable état et les quatre mille francs que, l’une dans l’autre et Dieu aidant, je gagne à présent chaque année. Ce n’est pas brillant ; mais ma clientèle augmente tou-