Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/156

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mieux fait de le lui dire, et il me tarde un peu d’en trouver l’occasion.

Enfin M. Sylvestre est revenu, il avait la figure un peu longue.

— Elle n’accepte pas précisément, mais elle ne veut pas refuser non plus. Elle demande à réfléchir. Que voulez-vous ! elle ne comprend pas le danger, et, n’étant pas son père, je n’ai pas le droit de le lui faire comprendre. D’ailleurs, ce sont toujours là des explications dangereuses. Des idées d’ambition peuvent toujours naître dans une situation pénible, et, quant au trouble des sens, la crainte peut réveiller dans un être qui s’ignore lui-même. Elle n’a que vingt ans au bout du compte ! Elle a toujours vécu captive, elle ne sait rien du monde. Une prudence craintive l’a bien avertie jusqu’à ce jour de se tenir cachée, parce qu’elle est sans appui. Eh bien, elle se figure qu’elle sera plus en sûreté dans le château de la Tilleraie que dans sa petite maison isolée, sans clôture et sans gardien au bord d’un chemin. Elle dit qu’elle y a peur la nuit, qu’elle n’y dort pas, même quand elle pourrait dormir, qu’elle est un peu lasse des soins de la vie matérielle, qui prennent trop de temps et restreignent trop la vie de l’intelligence. Tout cela est malheureusement vrai, l’existence de deux femmes dont l’une ne peut aider l’autre est plus compliquée que la mienne, et il est certain que la beauté de mademoiselle Vallier m’inquiète. Vous ne me comprenez pas ? C’est que vous ne l’avez pas vue arriver ici : elle était encore un peu laide ; c’est la fatigue qui lui a donné ce ton fin, cette transparence dans les yeux, cette démarche légère et assouplie. Oh ! ce n’est plus la même personne, et, si elle recouvre la santé chez Gédéon, elle ne lui