Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/178

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nité future, ils seraient les ennemis du genre humain.

» Maintenant je passerai vite sur ce qui me reste à vous raconter. Quelle que soit l’atrocité des faits, vous devez y être préparé par ce que je vous ai appris de la jeunesse d’Irène et de nos désaccords sans remède.

» Ma femme mourut. Irène avait vingt-deux ans.

» J’eusse voulu la marier. Je m’imaginais qu’un homme plus énergique et plus intelligent que moi prendrait sur elle un empire qui la sauverait d’elle-même ; mais sa fortune et ses séductions n’attirèrent que des gens indignes. Je m’en étonnai. Comment, avec tant de succès, tant de prestige, tant de créatures, ne pouvait-elle conquérir le cœur d’un seul homme de mérite ? Je voyais bien que nous nous ruinions ; mais un homme de mérite ne devait pas être attiré par sa dot. Il y avait là un mystère qui me fut révélé bientôt.

» Un jour que j’essayais de lui faire comprendre qu’elle se trompait en croyant que la fortune ne vient qu’aux habiles, il m’arriva de lui citer comme exemple le testament de mon cousin en ma faveur.

» — Il était entouré de flatteurs et d’intrigants, lui dis-je, et à son dernier moment une lumière s’est faite dans son esprit : il a reconnu que le plus digne de sa fortune était encore celui qui avait gardé vis-à-vis de lui sa dignité d’homme.

» Irène était irritée ; elle éclata d’un rire amer, et me répondit que je ne devais qu’à elle seule les bienfaits de mon vieux parent. Effrayé, je l’interrogeai. Elle avoua qu’elle avait été souvent chez lui, en secret, la nuit, et qu’elle s’était emparée de son affection. Elle se défendait de toute impudicité, mais elle se vantait d’avoir acheté par des soins et des flatteries l’héritage