Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/183

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pères par la présence du père de la courtisane. Mon nom m’est devenu odieux, je ne le reprendrai jamais. Mon avoir patrimonial, je ne veux pas l’entamer d’un centime, il restera là pour protester, par l’abandon et la solitude, que l’héritière des Magneval a toujours eu de quoi vivre sans se déshonorer.

» Donc, je n’avais qu’un conseil à donner à la pauvre Jeanne. C’était de rentrer au couvent jusqu’à sa majorité ou d’aller vivre à Magneval avec une gouvernante respectable que je tâcherais de lui procurer.

» Vous pensez bien qu’elle n’a rien compris à mes idées. Elle ne sait rien et ne peut rien deviner du passé de sa mère, qui est aujourd’hui dévote et qui joue l’austérité devant elle. Je n’ai pu me charger d’expliquer le mystère, et elle m’a quitté bien persuadée que j’étais insensé.

» Elles ont su que j’étais malade, Jeanne est revenue, sa mère a osé l’accompagner, pour me proposer un prêtre. Je sais qu’il était dans la voiture qui les a amenées, bien qu’il n’ait pas osé se montrer. Enfin une troisième fois, ces jours derniers, Jeanne a obtenu de mademoiselle Vallier, qui sait une partie de la vérité et qui devine le reste, qu’elle l’amènerait chez moi. Elle m’a encore supplié de quitter cette ruine, où la tempête m’ensevelira quelque jour, d’accepter au moins qu’on la répare, qu’on m’y apporte des meubles et qu’on m’y paye une servante. Je me suis impatienté et lui ai signifié d’obtenir de rentrer au couvent ou de ne plus me voir : voilà où nous en sommes.

» Vous voyez que c’est une question insoluble, si vous ne me suggérez pas une idée. Cette jeune fille est digne d’intérêt. J’ai beau m’en défendre, ses larmes me troublent, et l’idée qu’elle est condamnée à