Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/187

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de rente avec lesquels je me fais fort de l’entretenir très-confortablement, tout en continuant pour mon compte à manger des pommes de terre et à boire de l’eau. Avec trois mille francs de rente, elle se mariera fort bien, je vous en réponds.

— Et vous espérez cacher de qui elle est fille ?

— Oui, puisque là-bas j’ai bien su cacher de qui je suis père. Jeanne n’a jamais voyagé : on ne la connaît pas.

— Je vous demande pardon, tout Paris la connaît. Quand une femme est belle et qu’elle a été trois fois à l’Opéra ou aux Italiens en grande loge, elle ne peut pas espérer de voyager en Europe sans être reconnue dans tous les endroits où les gens du monde se promènent.

— Eh bien, reprit M. Sylvestre, nous irons dans les endroits où ces gens-là ne se promènent pas. Oh ! je sais, moi, de bons petits coins où votre belle civilisation ne pénètre jamais ! Je connais la Suisse, l’Allemagne et une partie de l’Italie comme vous connaissez à présent le val de Vaubuisson. D’ailleurs, je ne prétends pas pousser trop loin le mystère. Le jour où le futur qui réalisera mon rêve se présentera sérieusement, je lui dirai tout, et il ne nous en estimera que mieux ; mais je parle de tout cela comme si cela devait arriver ! Je n’oublie pas que c’est une pure hypothèse. Seulement, je veux être prêt à tout, si par impossible on me mettait à même d’agir. Aidez-moi maintenant à entrer en négociations avec cette malheureuse femme de qui dépend la pauvre Jeanne.

Je fis observer à M. Sylvestre qu’il était trop tôt pour y songer. La première chose à faire était de savoir si la pauvre Jeanne consentirait à entrer en arrangement,