Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/196

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me haïr ! Mais je vous jure qu’il n’y a pas de ma faute, et que je gronderai maman de la belle manière !

Que dis-tu, mon cher Philippe, de cette tirade de petite fille bon cœur et mauvaise tête, enfant gâtée s’il en fut, mal élevée à coup sûr, mais peut-être excellente quand même ? J’en ai été très-abasourdi, et pourtant, au fond de cette grosse inconvenance, il y avait un tel accent de sincérité, que j’ai dû m’y rendre et m’en tirer avec un remercîment cordial au bout d’un petit sermon. Je ne sais pas si j’ai été bien convenable moi-même et si je n’ai pas dû lui sembler pédant de fierté, car je ne pouvais souffrir qu’elle me plaignit d’être pauvre et de travailler pour vivre, surtout en présence de mademoiselle Vallier, qui travaille bien plus péniblement que moi et qui est bien plus digne d’intérêt. J’étais troublé aussi de l’attitude étrangement impassible et du silence systématique de mon ancienne amie, placée là entre nous deux comme une confidente ou comme un chaperon. Cela me portait sur les nerfs, je ne sais pourquoi, et, ne pouvant plus y tenir, je lui ai demandé ce qu’elle pensait de l’explication provoquée par mademoiselle Jeanne. Elle ne se décida pas sans peine à répondre ; enfin elle avoua qu’en venant là, elle croyait qu’il ne serait question que de M. Sylvestre.

— Le reste, ajouta-t-elle, me parait au moins superflu, et Jeanne a bien compris à mon silence que je ne l’approuvais pas.

— Oh ! vous ! dit Jeanne en l’embrassant sur l’épaule, vous êtes parfaite, on sait cela, et on est heureuse de le reconnaître ; mais aussi vous n’êtes pas dans une position équivoque comme la mienne.