Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/230

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Parlons-en tout de suite, mon cher ami.

— Ah ! vous y mordez ? Voilà qui est bien, et je m’en réjouis.

— Vous allez trop vite. Je n’ai aucune envie de me marier, et il est très-probable que je ne ferai jamais à aucune femme le sacrifice de mon indépendance.

— Tant pis pour vous ! vous ne connaîtrez jamais l’amour. On n’aime que les femmes honnêtes, mon cher, et on n’est aimé que par elles. Or, les femmes honnêtes veulent qu’on les épouse, c’est leur droit.

Gédéon avait raison ; c’est l’homme pratique, qui dit avec conviction ces vérités banales que nos paradoxes ne peuvent changer. J’ai reconnu que ma réponse n’avait pas été sérieuse, mais je lui ai déclaré que je ne me marierais pas par amour, comme il l’entendait.

— Vous croyez que je prêche le mariage d’amour ? C’est selon comme vous entendez l’amour. Si vous en faites une folle passion, je m’inscris contre l’amour de tête ; mais, si vous en faites une vive et solide amitié, la joie des sens, le contentement du cœur et la sécurité de l’esprit, je vous dirai que tout ce qui n’est pas cela n’est que libertinage, délire ou vanité. Donc, un homme intelligent et raisonnable doit se marier, c’est-à-dire s’attacher pour toujours à une femme pure. Il y en a qui n’exigent pas pour cela qu’on les épouse : elles ont tort. C’est une générosité dont nous abusons presque toujours, et, comme ces unions-là ont tous les inconvénients du mariage sans en avoir les avantages, il est bien plus simple de sanctionner son affection et de s’ôter la mauvaise chance du caprice. C’est l’opinion de votre ermite, que j’ai été voir hier, et qui, par parenthèse, est un homme charmant.