Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/278

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ment vaincu. Je trouve on ne peut plus naturel qu’elle soit touchée des soins de son ami Gédéon, et je dois dire que je m’étais trompé aussi sur le compte de cet homme généreux et sincère. Nous sommes volontiers injustes envers les riches. Ce n’est pas de l’envie, c’est de l’exigence. Nous sentons bien qu’ils possèdent en effet de grandes forces sociales ; mais nous leur imposons des devoirs qui dépassent souvent le pouvoir toujours limité dont ils disposent. Et puis nous leur attribuons une vanité outrecuidante qu’ils n’ont pas toujours et que Gédéon n’a certainement point : car il me paraît douter quelquefois outre mesure du succès de son entreprise, et il me demande avec une naïveté d’enfant de lui enseigner à plaire, comme si j’avais ce secret-là, moi qui n’ai encore plu qu’à une petite folle, et sans le vouloir encore !

Il prétend qu’il a quelque chose de vulgaire au fond de ses idées et de ses manières. C’est peut-être vrai, mais cela est compensé par un second mouvement qui rachète ou efface toujours le premier, et une femme intelligente doit lui savoir d’autant plus de gré de ce continuel effort sur lui-même qu’elle peut l’attribuer à son influence. Si mademoiselle Vallier ne pense pas ainsi, elle est injuste. Je me suis trouvé seul avec elle une ou deux fois ; j’ai fait vivement l’éloge de Gédéon, elle m’a répondu de manière à me prouver qu’elle avait encore mieux que moi observé et apprécié les côtés excellents de son esprit et de son caractère. J’ai redit ses paroles à mon ami ; j’ai voulu brûler mes vaisseaux. Il en a été touché jusqu’aux larmes. Heureux homme ! ne fût-il pas aimé passionnément, l’état de son âme est digne d’envie. Il aime, lui, et il espère !