Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/28

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thousiasme, source de toute éloquence, n’est pas incompatible avec le positivisme ; mais fais attention que ce sont de très-grands esprits, et que ton talent est bien jeune !

Enfin tu le veux, et je sais que tu tiens à essayer tout ce que tu projettes. Essaye donc ; mais, si l’ennui te prend, si la tristesse apparaît sous forme de lassitude prématurée, ne t’obstine pas à vaincre tout seul un mal que l’amitié peut détourner. Tu sais que la discussion te donne des forces, elle en donne à tous ceux qui n’en abusent pas, et, comme je suis très-occupé, tu m’auras le temps nécessaire, et rien de plus. Viens donc me trouver en province, je me fais fort de te procurer un local plus agréable et mieux situé que ta villa de tailleur aux portes de Paris, sans qu’il t’en coûte davantage et sans que tu aies d’obligations envers personne. Tu te nourriras chez nous pour trente sous par jour mieux que pour trois francs là où tu es. Tu n’auras pas à te cacher pour fuir les questions indiscrètes. Personne ne sachant ton histoire, nul ne s’étonnera de ta situation, et ma mère, qui t’a toujours aimé, t’aimera encore plus. Moi, je serai plus heureux, te sachant plus tranquille. Je parle en égoïste, mais avec la certitude que tu t’en trouveras bien. Viens au premier symptôme de spleen, ou il faudra que j’aille te chercher ; ce qui serait bien difficile à un pauvre petit médecin de campagne abîmé de pratiques, comme ton ami.

Philippe.