Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/315

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considérée, coquette et vertueuse. On croit que c’est difficile. Je sais à présent que c’est très-aisé ; il ne s’agit que de renoncer à l’amour et de ne pas tomber dans le roman. On a voulu m’y jeter, je m’insurge ; mais tout cela ne m’empêche pas d’être bonne, et je veux être grande. Tenez, donnez-moi la main, monsieur Sorède : à partir de ce jour, vous avez en moi une sincère amie. C’est moi qui vous marierai avec mademoiselle Vallier, je vous en donne ma parole, et, si M. Gédéon vous cause quelque ennui, c’est moi qui vous vengerai.

— Comment cela ?

— En devenant sa femme.

— Vous ?

— C’est une résolution que j’ai prise ce matin en consentant à la farce de ce soir.

— Mais, pauvre enfant, vous ne l’aimez pas !

— Non ; mais, en le voyant si agité par sa passion pour Aldine, je me suis dit que ce n’était pas à elle, mais à moi, d’inspirer cette passion-là.

— Vous ne craignez pas qu’il ne vous entende ?

— Non ; regardez ce gros saule là-bas, tout au bas de la prairie !

— Eh bien, il est caché là ?

— Oui, avec cette mauvaise pièce de Rébecca, qui a voulu me jouer et qui me le payera tôt ou tard. Nous nous adorons en attendant.

— Dois-je vous reconduire auprès d’eux ?

— Non. Restez là, suivez-moi des yeux. Dans l’ombre qui couvre ce chemin désert, on n’a pu vous voir. Je dirai que je ne vous ai pas vu.

— On ne vous croira pas.

— Pourquoi donc ? Mon cheval emporté pouvait pas-