Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/317

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J’allais refermer ma fenêtre pour me coucher, il était près de minuit, quand, j’entendis tout près de ma maisonnette des pas légers et rapides qui faisaient crier faiblement le sable. Une divination soudaine, surnaturelle, un violent battement de cœur, une sorte de révélation magnétique qui tient du prodige, me firent descendre précipitamment et m’écrier comme dans un rêve :

— Est-ce vous, mademoiselle Vallier ?

— Oui, c’est moi, répondit-elle tout essoufflée. Le cheval que montait ce soir Jeanne à la promenade vient de rentrer seul à la Tilleraie. Je suis sortie avec les domestiques, ils m’ont devancée, ils ont dû entrer dans le bois par ici. Vous n’avez rien vu, rien entendu ?

— Je sais qu’il n’est rien arrivé de fâcheux. Mademoiselle Jeanne avait mis pied à terre quand son cheval s’est échappé.

— Ah ! Dieu merci ! dit mademoiselle Vallier en se laissant tomber sur les marches de son ancien escalier. J’étouffe !

— Laissez-moi vous aller chercher un verre d’eau.

— Je ne pourrais pas le boire. Laissez-moi reprendre haleine.

Elle resta quelques instants sans pouvoir rien dire, et moi sans trouver un mot. J’étais seul avec elle, dans la nuit, au seuil de ma demeure. C’était le moment de lui parler. Quand le retrouverai-je, ce bienheureux moment ? Je l’ai laissé perdre… Un ravissement inexprimable, un respect craintif, ont enchaîné ma langue. Je rêvais tout éveillé. Je me croyais à ses genoux, je m’imaginais lui parler. Un flot d’expressions éloquentes comme la passion vraie bouillonnait dans ma poi-