Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/319

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sentir les piqûres d’un sot et injuste dépit. Non, non, ce n’est pas par surprise et à la dérobée que je veux goûter le bonheur de la voir et de l’entendre ! Elle viendra à l’Ermitage. M. Sylvestre consentira bien à l’y appeler, et, devant notre ami commun, devant notre père adoptif, je lui dirai que je l’aime comme un fou, comme un enfant, comme un frère, comme un esclave… — Bonsoir, mon bon Philippe ; je t’aime davantage depuis trois jours. Il me semble que je ne t’avais pas encore aimé comme tu mérites de l’être.




XLVI

DE PIERRE À PHILIPPE


L’Escabeau, 6 août.

Je ne la reverrai peut-être jamais. Ah ! pourquoi ne lui ai-je pas dit cette nuit, quand elle était là : « Aimons-nous et fuyons ensemble ! » Nuñez nous eût poursuivis ; mais j’aurais eu un jour de bonheur, un jour où elle m’eût dit : « Je t’aime !… » Bah ! je suis fou ! elle ne peut pas m’aimer, elle ne me connaît pas ; je me suis toujours montré à elle si différent de ce que je suis ! Tant mieux après tout, car, si elle m’aimait, je serais lâche, et ce n’est pas le moment de l’être.

Ce matin, comme j’étais chez M. Sylvestre, résolu à lui arracher la promesse de me faire obtenir un en-