Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/345

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enfant, et ne vous imaginez pas qu’il vaudra moins que nous. Ces esprits rigides qui ne veulent guère céder à l’espérance, et que le sentiment ne subjugue jamais entièrement, ont une valeur intrinsèque égale à celle des esprits ouverts à l’idéal. L’homme n’est que trop porté à l’illusion. Il est bon que ceux qui ont des forces pour s’en défendre nous retiennent sur une pente dangereuse. Quant à moi qui rêve l’accord futur de la raison et de la poésie, je suis content qu’il y ait aujourd’hui de solides et d’ardents représentants de ces deux forces intellectuelles de l’humanité, et je dirais volontiers sans rien perdre de ma religion : « Place aux athées ! » Ne sont-ils pas comme nous tournés vers l’avenir ? Ne combattent-ils pas comme nous les ténèbres de la superstition ? Et faut-il qu’au lieu de terrasser l’ennemi commun, nous perdions le temps et dépensions l’énergie à nous exclure les uns les autres du champ de bataille ?

Non, mon enfant, il ne le faut pas. Les sceptiques et les athées sont nos frères ; ils apportent des matériaux pour le nouveau temple. Ne dites pas que la négation ne crée rien. Elle crée la notion de la liberté de conscience, qui est la base sans laquelle on ne construira jamais rien. Pour moi qui ai longtemps obéi, comme vous, à une ferveur d’apôtre, à mesure que j’avance vers la tombe, j’éprouve le besoin de tendre la main à tous ceux qui marchent. Je ne me détourne que de ceux qui reviennent sur leurs pas et qui se replongent dans l’horrible nuit du moyen âge par crainte de la lumière. Plus j’approche de la mort, plus je sens que ces morts sont fous et qu’il s’ensevelissent dans la peur et le mensonge. Eh quoi ! ils