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nous dit tout bas : « Relève-toi et recommence » Ma mère t’envoie sa bénédiction.




VIII

DE PIERRE À PHILIPPE


Vaubuisson, 29 février 1864.

Tu es un grand cœur, mon Philippe, mais je doute que tu sois un grand philosophe ; tu tranches facilement les questions. Ta solution naïve n’est pas neuve : tu me diras qu’elle est toujours consolante ; mais la philosophie est-elle un emplâtre pour nos blessures, ou une recherche désintéressée de la stricte vérité ?

J’admets avec toi que le bonheur a besoin de certaines conditions fondamentales, et que la première de toutes, c’est d’être content de soi. Le criminel, le lâche, l’égoïste endurci n’ont pas droit au bonheur comme nous l’entendons ; mais qui sait comment ils l’entendent ? Qui sait s’ils n’osent pas se dire et se croire heureux quand leurs misérables instincts se trouvent satisfaits ?

Passons ! ces gens-là ne comptent guère ; mais, entre ceux que le remords devrait troubler et ne trouble pas et ceux qui, comme toi, savourent la joie enthousiaste du devoir accompli, il y a l’immense majorité des hommes, et ce n’est pas pour les exceptions que le penseur doit chercher la règle du vrai. Oserai-je dire qu’il n’y a pas de vrai absolument vrai pour les na-